Quatre heures de discussions entre Russes et Américains à Riyad, et pas un seul Européen à la table. Voilà qui résume bien la situation : après deux ans de guerre en Ukraine, ce sont Moscou et Washington qui négocient, pendant que les Européens assistent impuissants aux conséquences de leurs propres choix.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ne s’en cache pas : il estime que les discussions avec les États-Unis ont été « fructueuses », et que la partie américaine a « mieux compris » la position russe. En clair, après avoir adopté une posture intransigeante sous Joe Biden, Washington semble désormais prêt à changer de cap, ouvrant la voie à un redémarrage des relations économiques avec Moscou.
Pour les Européens, qui ont suivi aveuglément la ligne dure de Biden, la gifle est brutale. En renonçant au gaz russe pour du gaz américain plus cher, en imposant des sanctions qui ont amputé leur propre économie, ils se retrouvent aujourd’hui en position de spectateurs. Les États-Unis, eux, entrevoient déjà les bénéfices d’un retour en grâce en Russie. « Les compagnies pétrolières américaines sont les bienvenues », a déclaré un proche de Vladimir Poutine.
Pendant ce temps, l’Europe, qui a injecté plus de 150 milliards d’euros dans la guerre sans réel plan de sortie, se retrouve isolée.
Les illusions perdues de l’Europe
Depuis le début du conflit, les dirigeants européens se sont convaincus que les États-Unis les soutiendraient indéfiniment. Une erreur de lecture majeure. Depuis des années, Washington pivote vers l’Asie et considère de plus en plus l’Europe comme un front secondaire. Avec Trump, cette tendance risque de s’accélérer.
Autre illusion : croire que la victoire militaire de l’Ukraine était possible. Dès l’échec de la contre-offensive ukrainienne de l’été 2023, il était évident que Kiev ne pourrait pas reconquérir ses territoires par la force. Mais plutôt que d’explorer des options diplomatiques, les Européens ont persisté dans une fuite en avant, niant la réalité du terrain.
Aujourd’hui, le pire scénario se dessine : l’Ukraine ne rejoindra pas l’OTAN, car ni Biden ni Trump ne le souhaitent. Sa reconstruction, estimée à 700 milliards d’euros, devra être financée par une Europe affaiblie, pendant que les États-Unis et la Russie redéfinissent l’ordre de sécurité du continent.
Un réveil tardif et une Europe marginalisée
Face à cette réalité, Paris tente de réagir dans l’urgence. Emmanuel Macron a réuni ses partenaires pour évoquer un énième « train de sanctions » contre la Russie et l’envoi possible de soldats en Ukraine. Mais cette agitation ressemble plus à une panique de fin de partie qu’à une véritable stratégie.
Les Russes veulent redéfinir la sécurité en Europe à leurs conditions, et les Américains, soucieux de sortir de l’impasse ukrainienne, sont prêts à en discuter. Dans cette équation, les Européens ne pèsent plus grand-chose. Même si on peut déplorer une « sidération européenne », elle est la conséquence directe de décennies de naïveté stratégique et de désarmement progressif.
L’Europe paye aujourd’hui le prix de ses erreurs : avoir délégué sa sécurité aux États-Unis, avoir suivi une politique de sanctions qui l’a affaiblie plus qu’elle n’a affaibli la Russie, et avoir cru qu’elle pouvait peser sans puissance militaire réelle.
Désormais, une alternative s’impose : continuer à subir ou se ressaisir. Mais cela implique de repenser la défense européenne, de revoir les priorités économiques et de cesser d’attendre que Washington dicte la marche à suivre. Car si une chose est claire après Riyad, c’est que les grandes décisions sur l’avenir de l’Ukraine – et de l’Europe – se prennent désormais sans les Européens.